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Génétique et frein restrictif


Auteur : Au sein en douceur
Date de publication : 10 juillet 2019

D’où viennent les freins restrictifs buccaux ? Sont-ils d’origine génétique ? Comment se forme un frein de la langue ? Quelles sont les causes identifiées de cette pathologie ?




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Génétique et frein restrictif

Photo d'un bébé qui pleure au sein.

D’où viennent les freins restrictifs buccaux ? Sont-ils d’origine génétique ? Comment se forme un frein de la langue ? Quelles sont les causes identifiées de cette pathologie ? Selon les auteurs et les études sur les restrictions buccales, le pourcentage des freins restrictifs buccaux varie de 4% à 32% dans la population. Sommes-nous au début ou au sommet d’une épidémie ?

UN PEU D’EMBRYOLOGIE POUR COMPRENDRE LE FREIN RESTRICTIF

Avant de parler de génétique, nous allons d’abord comprendre comment se forment la langue, le palais et la bouche durant l’embryologie du 1er trimestre de grossesse.

Premièrement, le développement embryologique de l’embryon a lieu de la fécondation à la 8e semaine de gestation (10e semaine de grossesse). C’est une période durant laquelle le futur bébé évolue. Il se développe à grande vitesse. On appelle cela l’organogenèse, en d’autres mots la construction des organes.

Schéma représentant la structure du tube neural.

Au tout début de l’embryogenèse, l’embryon est visualisé comme un disque appelé le tube neural. Il est très vite composé de 2 couches qui vont ensuite devenir 3 :

 

  • l’endoderme qui donnera les cellules épithéliales du système respiratoire et digestif et leurs glandes associées, le foie et le pancréas,
  • le mésoderme qui laissera place aux muscles, aux tissus conjonctifs, aux vaisseaux sanguins, à la peau, au cartilage, aux reins, à l’appareil reproducteur et aux ligaments,
  • l’ectoderme dont dérivent l’épiderme et le système nerveux, les muqueuses et les dents.

 

À partir de ces 3 couches, va se développer l’ensemble du corps humain.

Ensuite, vers la 4e semaine (6e semaine de gestation), le tube neural va se fermer pour donner 3 dilations. Celles-ci vont très vite se sophistiquer au fil des jours : l’inflexion dans le sens transversal qui donnera le futur dos et l’inflexion longitudinale qui donnera les régions crâniale et caudale.

 

Dessin montrant les 3 dilations du tube neural pour expliquer le frein restrictif

Dès cette 5e semaine de gestation (7e semaine de grossesse), l’embryon aura sa cavité orale primitive reliée à un estomac primitif. À ce stade, on pourra voir à l’échographie les premiers petits mouvements cardiaques.

En même temps, du côté ventral, vont se développer les 6 branchies donnant les 5 arcs branchiaux. A partir de ces arcs se développeront par la suite la face, la bouche et le pharynx.

Après la 8e semaine (10e semaine de gestation), l’organogenèse sera presque complète et les organes n’auront plus qu’à grandir !

 

Les arcs branchiaux

Schémas des arcs branchiaux nécessaires au développement de la langue de bébéC’est donc à partir de ces arcs branchiaux que vont se former bouche, langue et pharynx entre la 4e et la 7e semaine de gestation.

De la 5e semaine à la 6e semaine de gestation, les muscles de la mastication se développeront à partir du 1er arc branchial (masséter, ptérygoïdes, temporale, nerf trijumeaux) ainsi que la mandibule.

 

Du 2e arc branchial se développeront le pharynx, l’os hyoïde, la partie postéro-latérale de la langue et enfin les vaisseaux sanguins de la face.

 

Le 3e arc branchial va donner les grandes cornes de l’os hyoïde, le dessus de la langue, le nerf glossopharyngien et une partie du pharynx.

 

Le 4e, la branche du nerf larynx supérieur, du nerf vague, la thyroïde, une partie du pharynx et du palais et le muscle palatoglosse de la langue.

 

Le 5e arc va disparaître rapidement.

Et enfin, pour terminer, le 6e arc donnera le cricoïde, les cartilages, les muscles et le nerf du larynx dont la branche du nerf laryngé récurrent issu du nerf vague.

 

Développement embryologique de la langue et du frein restrictif

Dessin de la mutation embryologique formant la langue des bébés
La langue primitive est formée à partir de arcs 1 à 4 entre les semaines 4 et 5 de la gestation. Dans un premier temps, une migration de cellules issue de l’ectoderme va former la langue attachée complètement au plancher buccal primitif.

Schéma de formation de la langue de bébé et du frein restrictif
Ensuite, afin de séparer la langue du plancher buccal, un phénomène apoptotique (mort cellulaire) va avoir lieu, laissant uniquement le lingal sulcus (frenelum).Ce phénomène de mort cellulaire libère le corps de la langue tout en l’ancrant aux tissus restant entourés de la bouche et du pharynx.

 

Il se passe ce même phénomène au niveau de nos membres (mains et pieds). Au départ de l’embryogenèse, nous avons des palmes aux mains et aux pieds. Ce même phénomène de mort cellulaire finira par séparer chacun des orteils ou des doigts de nos mains.

Dans le cas du frein restrictif buccal, il y a une dégénérescence incomplète de tissus. Cela laisse la langue attachée au plancher de la bouche, provoquant des restrictions. Cela est comparable au phénomène de syndactylie des doigts. L’ankyloglossie (frein de langue) est donc le résultat d’une dégénération incomplète de croissance ectodermique, empêchant la langue de se différencier du plancher buccal.

 

D’où vient ce manque d’apoptose cellulaire ?

La face et le palais sont les endroits les plus susceptibles d’avoir une malformation (Avery and Chiego, 2006). En effet, leur développement est très sensible et extrêmement vulnérable. Comme dit plus haut, les freins de la langue viennent donc d’une insuffisance d’apoptose cellulaire ou programme de mort cellulaire. Ces cellules « mortes » sont ensuite fragmentées et éliminées par des phagocytoses (Avery and Chiego, 2006).

 

Une déficience de cette apoptose cellulaire va laisser une certaine quantité de tissus. Cela va empêcher le développement optimal de cet organe qu’est la bouche (langue, palais, déglutition…).

La (les) cause(s) viendrai(en)t de la combinaison de l’environnement (tératogènes) et de la génétique (et donc de l’épigénétique).

 

Vu l’augmentation impressionnante du nombre de frein restrictif buccal, les experts se posent sérieusement la question du rôle de l’épigénétique dans cette pathologie.

L’ÉPIGÉNÉTIQUE

Définition

L’épigénétique correspond au domaine se focalisant sur toutes les modifications (ou facteurs) qui ne sont pas codés par la séquence d’ADN (méthylations, prions…). Elle régule l’activité des gènes en facilitant ou en empêchant leur expression. Elle est fondamentale car elle permet une lecture différente d’un même code génétique. Les gènes n’ont pas changé !

 

L’épigénétique fonctionne un peu comme un interrupteur on/off influencé par différents facteurs : environnementaux, nutritionnels, émotionnels, le stress, la pensée… L’interrupteur est présent (le gène) et, selon les pensées, l’environnement, le stress… de la personne, il s’exprimera ou pas !

 

Ce n’est pas parce que vous avez le gène du cancer du sein que vous aurez le cancer. Si vos pensées sont positives, que vous vivez dans un environnement sain, il se peut que votre gène soit désactivé ou même modifié et que vous n’ayez pas le cancer. Il a été prouvé que les pensées sont capables de modifier les gènes. Telle est toute la complexité de l’épigénétique.

 

Le gène codant pour le MTHFR

 

Dans le cas des freins, le gène qui nous intéresse et celui qui code pour l’enzyme méthylènetetrahydrofolate réductase plus connue sous ce nom raccourci de MTHFR. Cette enzyme MTHFR permet la méthylation des gènes ayant pour rôle de réparer l’ADN altéré (par le stress, la pollution…), d’enlever les toxines, d’intervenir dans le système immunitaire ou encore de produire des neurotransmetteurs et du glutathion, un antioxydant puissant.

 

Il existe des variations (attention, ce n’est pas une mutation) dans ce gène codant pour cette enzyme MTHFR. Ces variations sont associées aux malformations de la ligne médiane du corps (les organes dérivants du tube neural) dont les freins restrictifs buccaux. Cette association n’est pas encore définitive. Et ce n’est pas parce que vous avez une variante du gène codant pour la MTHFR que vous aurez d’emblée un frein de langue.

 

Deux variantes connues sont les gènes A1298C et C677T qui peuvent, parfois, réduire l’activité de la méthylation des gènes. En effet, la MTHFR aura une efficacité réduite allant de 60% à 20-10% selon que vous soyez homozygote ou hétérozygote.

 

Ces 2 variations sont présentes parfois dans 50% de certaines populations et leur hérédité est dominante. Voilà ce qui pourrait expliquer peut-être le taux croissant de freins de langue et le début d’une grande épidémie.

 

« MTHFR est probablement le dessus de l’iceberg et la cause de l’augmentation de la prévalence dans la population générale », Dr Richard Baxter.

 

Le rôle de l’acide folique et du méthyl folate

 

Les experts pensent que les mères porteuses d’une de ces variantes devraient recevoir de fortes doses de suppléments d’acide folique sous forme active (folate ou méthyl folate). Cela permettrait de diminuer le risque de malformation dérivant du tube neural. En effet, lorsque la MTHFR est déficiente, l’acide folique ne peut être métabolisé et activé en méthyl folate.

 

C’est le méthyl folate qui est l’indispensable vitamine permettant la fermeture correcte du tube neural. Ce méthyl folate est également impliqué dans l’apoptose des cellules (la mort cellulaire). Rappelez-vous, c’est cette mort cellulaire qui fait défaut dans le cas des freins restrictifs.

 

Faut-il prendre de l’acide folique ?

 

Étant donné que les personnes avec une déficience de la MTHFR ne peuvent transformer l’acide folique en folate (méthyl folate). Il ne sert donc à rien de leur administrer de fortes doses d’acide folique. D’autant plus que des études contradictoires incriminent l’excès d’acide folique dans certains cancers.

 

Il sera important que ces personnes prennent de l’acide folique métabolisé, c’est-à-dire de l’acide folique sous forme de méthyl folate. Mais les choses seraient encore plus compliquées que cela et même le méthyl folate ne serait pas à 100% efficace.

 

Jusqu’à présent, les experts s’accordent sur le fait que la meilleure manière d’augmenter l’absorption du méthyl folate serait probablement de le prendre directement dans l’alimentation. Des recherches et des études cliniques sont en cours auxquelles il faudra continuer à être attentifs.

 

Un autre gène

 

Un autre gène mis en cause par Klockars (2007) est le gène TBX22 dont 6 mutations ont été découvertes (Braybrook et al., 2002). Ce gène, transmis par le chromosome X serait responsable de certains freins restrictifs et/ou de fente palatine.

 

CONCLUSION SUR LE FREIN RESTRICTIF ET LA GÉNÉTIQUE

Premièrement, les freins restrictifs existent depuis la nuit des temps : on les retrouve dans la Bible et Louis XIII lui-même en a eu… De plus ces dernières années, le taux d’allaitement tend tout de même à augmenter. Nous sommes donc plus attentifs aux problèmes que les mamans peuvent rencontrer et quand même de mieux en mieux formés aux pathologies de l’allaitement. Nous pouvons ainsi mieux dépister les problèmes de l’allaitement.

 

Et enfin, le rôle du gène codant pour l’enzyme MTHFR n’est probablement que le dessus de l’iceberg. À l’heure actuelle, il est difficile de lui attribuer la responsabilité à 100% des freins restrictifs. Mais, je pense que nous sommes en pleine épidémie et que le pourcentage de frein restrictif buccal est bien plus élevé que l’on imagine !

 

Tout comme les fentes palatines, les hypospadias, le spina bifida et les malformations cardiaques, le frein restrictif est en tout cas à considérer comme une malformation congénitale dérivée du tube neural (ou encore de la ligne médiane) d’origine génétique ou pas. L’avenir nous le dira certainement ! Il peut être traité par la frénectomie et une prise en charge multidisciplinaire des freins.

 

Références

  • Présentation ILAC Toronto par le Dr Rajeev Agarwal, 2018
  • Martinelli R, Marchesan I, Berretin Felix G, Posterior lingual frenelum in infants: Occurrence and maneuver for visual inspection, Revista CEFAC 2018, Available from: scielo.br/pdf/rcefac/v20n4/1982-0216-refac-20-04-478pdf
  • Etude de Klockars in 2009
  • Flinck A, Paludan A, Matsson L, Holm AK, Axelsson I. Oral findings in a group of newborn Swedish children. Int J Paediatr Dent 1994;4(2):67-73
  • O’Callahan, Macary and Clementine, The effects of office-based frenotomy for anterior and posterior ankyloglossia on brestfeeding. Int J Pediatr Otorhinoloryngol 2013;77(5):827-32
  • Tongue Tied, Richard Baxter, 2018
  • TONGUE-Morphogenesis-Impact-Assessment-Treatment, 2010
  • futura-sciences.com/sante/definitions/genetique-epigenetique-136/


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