Protocole clinique n°16 Allaiter le nourrisson hypotonique
Auteur : Thomas J, Marinelli KA, and the Academy of Breastfeeding Medicine Protocol Committee.
Objectif Promouvoir, soutenir et encourager l’allaitement chez les bébés et les jeunes enfants présentant une hypotonie.
ABM Clinical protocol #16 : Breastfeeding the hypotonic infant, révision 2016. Thomas J, Marinelli KA, and the Academy of Breastfeeding Medicine Protocol Committee. Breastfeed Med 2016 ; 11(6) : 271-6.
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Protocoles de l’Academy of Breastfeeding Medicine
Protocole clinique n°16
Allaiter le nourrisson hypotonique
ABM Clinical protocol #16 : Breastfeeding the hypotonic infant, révision 2016. Thomas J, Marinelli KA, and the Academy of Breastfeeding Medicine Protocol Committee. Breastfeed Med 2016 ; 11(6) : 271-6.
L’un des principaux objectifs de l’Academy of Breastfeeding Medicine est le développement de protocoles cliniques portant sur le suivi de problèmes médicaux courants susceptibles d’avoir un impact sur le succès de l’allaitement. Ces protocoles sont destinés uniquement à servir de recommandations pour le suivi des mères allaitantes et de leurs enfants, et ne constituent pas un mode exclusif de traitement ou un standard pour les soins médicaux. Des variations dans le traitement pourront être appropriées en fonction des besoins individuels du patient.
Objectif
Promouvoir, soutenir et encourager l’allaitement chez les bébés et les jeunes enfants présentant une hypotonie.
Définition
Le tonus musculaire, à savoir la résistance musculaire à l’étirement passif au repos, est distinct de la force musculaire, et il peut être affecté par divers facteurs. L’hypotonie, une condition dans laquelle le tonus musculaire est diminué, peut exister avec ou sans faiblesse musculaire. Il existe diverses étiologies, incluant des anomalies du système nerveux central ou périphérique, de la jonction neuromusculaire ou du muscle, des désordres métaboliques, endocriniens ou nutritionnels, des maladies du tissu conjonctif et des anomalies chromosomiques. Une hypoxie périnatale, une paralysie cérébrale hypotonique ou une déficience mentale non spécifique, peuvent toutes être à l’origine d’une hypotonie centrale. Il existe également une pathologie dénommée hypotonie congénitale bénigne, qui est un diagnostic d’exclusion, et qui s’améliore ou disparaît totalement avec l’âge (1).
Contexte
Les nourrissons hypotoniques ont souvent des problèmes d’allaitement, qui sont le résultat d’un contrôle anormal ou insuffisant des structures de l’oropharynx et qui contribuent à une succion désorganisée et/ou faible, similaire à celle rencontrée chez les prématurés. En dépit des nombreuses étiologies de l’hypotonie, peu d’études ont été spécifiquement menées sur les problèmes d’alimentation chez le nourrisson hypotonique. Toutefois, les interventions préconisées chez les enfants présentant des causes fréquentes d’hypotonies, telles que la trisomie 21 (syndrome de Down) et la prématurité, peuvent être utilisées dans les soins à ces enfants.
La trisomie 21 est une pathologie génétique qui induit une hypotonie dans plus de 90 % des cas. Les bébés qui en souffrent partagent nombre des risques alimentaires et des co-morbidités rencontrés dans les autres causes d’hypotonie. Les anomalies orales caractéristiquement associées sont la malocclusion et une petite bouche avec une langue relativement grosse et qui a tendance à sortir de la bouche, ce qui, associé à l’hypotonie, a pour conséquence des difficultés d’alimentation chez certains de ces enfants (2). Dans de nombreux pays, les prématurés qui peuvent également avoir des difficultés en rapport avec l’hypotonie sont souvent séparés de leur mère rapidement après la naissance, ce qui peut augmenter les difficultés d’allaitement. Ces enfants sont également handicapés par des structures orales de petite taille et sous-développées et par des difficultés de coordination de la succion et de la déglutition (3).
L’Academy of Breastfeeding Medicine, l’Académie Américaine de Pédiatrie, l’OMS et les autres organisations internationales, ont édicté des recommandations disant que tous les enfants devraient être allaités sauf contreindication médicale (4-5). Il est particulièrement important, pour les bébés et les jeunes enfants souffrant d’hypotonie, y compris de trisomie 21, d’être allaités afin d’abaisser les risques plus élevés chez ces enfants de morbidité associée à l’alimentation avec une formule lactée commerciale. Par exemple, outre les anomalies orales et les malocclusions, les enfants souffrant de trisomie 21 sont plus susceptibles de présenter des otites, des infections respiratoires et autres infections, présentent un retard de développement et ont une incidence plus élevée d’autres anomalies congénitales telles que des malformations cardiaques et gastro-intestinales.
Une analyse de l’impact de l’allaitement dans une population en bonne santé montre que l’allaitement a un impact protecteur vis-à-vis des otites et des infections respiratoires (6-7). Il est également corrélé à un risque significativement plus bas de malocclusion (RR : 0,34, intervalle de confiance 0,24-0,48 – 8), ce qui suggère que l’allaitement favorise un bon développement oral moteur, ce qui présente des bénéfices potentiels pour les enfants présentant une trisomie 21 ou une autre cause d’hypotonie (2). L’allaitement favorise une bonne coordination motrice au niveau de la bouche et de la langue. Des études ont fait état d’un meilleur développement neurocognitif lié à l’allaitement (6-9), qui est plus important chez les enfants de petit poids de naissance et de faible poids pour l’âge gestationnel (10). Dans la mesure où les bébés hypotoniques peuvent présenter des troubles associés à un déficit neurocognitif, les avantages du lait humain pourraient faire une différence importante pour leur devenir à long terme. Les enfants qui ont des pathologies cardiaques congénitales et qui sont allaités ont une meilleure croissance, passent moins de temps à l’hôpital, et ont un taux de saturation en oxygène plus élevé que ceux qui sont nourris avec une formule lactée commerciale (11). Là encore, on peut supposer que c’est particulièrement bénéfique pour les nourrissons hypotoniques souffrant d’une pathologie cardiaque, ce qui peut être le cas des enfants présentant une trisomie 21. En conséquence, et bien que les enfants présentant une hypotonie n’aient pas été spécifiquement étudiés, la masse d’informations recueillies par les études effectuées dans la population générale permet de penser que ces enfants tireront avantage à être allaités et/ou nourris avec du lait maternel exprimé.
Le comportement de succion des enfants hypotoniques, en particulier ceux souffrant de trisomie 21, est moins efficace que celui des enfants normaux et nés à terme, de multiples paramètres étant affectés, y compris la pression intrabuccale, la fréquence et la durée des mouvements de succion, ainsi que les contractions péristaltiques de la langue (12) (Le niveau de preuve pour chaque recommandation, tel que défini par les recommandations de la US Preventive Task Force (13), est noté entre parenthèses : I, II-1, II-2, II-3 et III). Un suivi longitudinal pendant la première année a montré une augmentation significative de la pression intrabuccale vers 4 mois, et à nouveau vers 8 mois. La fréquence des mouvements de succion augmentait vers 4 mois. La durée n’augmentait pas avec le temps, et le péristaltisme ne s’était normalisé que chez une minorité des enfants revus à 8 mois. Toutefois, le résultat général était une amélioration de l’efficacité de la succion pendant la première année. Les mères avaient tendance à dire que les problèmes d’alimentation s’étaient significativement améliorés ver 3-4 mois. Le fait de comprendre ce schéma permettra aux praticiens de soutenir efficacement les mères de ces bébés pour améliorer leurs compétences en matière d’allaitement, et pour l’obtention et le maintien d’une production lactée suffisante, qui leur permettra par la suite de réussir leur allaitement, même s’il y a eu des difficultés importantes au départ.
L’allaitement d’un bébé présentant une hypotonie présente des difficultés, mais nombre de ces bébés peuvent être allaités avec succès. Il n’existe aucune preuve du fait qu’un bébé présentant une trisomie 21 ou une autre cause d’hypotonie se nourrira plus facilement au biberon qu’au sein. En outre, rien ne permet de penser que ces enfants doivent être nourris au biberon avant d’être mis au sein. Chaque fois que possible, une équipe de professionnels compétents dans le suivi de l’allaitement des bébés qui ont des besoins spécifiques devrait travailler en coopération pour aider la dyade mère-enfant. L’importance de professionnels de santé compétents est soulignée dans les études qui ont constaté que certaines mères d’enfants souffrant de trisomie 21 pensaient ne pas avoir reçu un soutien important pour leur allaitement. Elles se sont senties plutôt désarmées (14), ou elles se sentaient frustrées de ne pas être capables d’atteindre leurs objectifs en matière d’allaitement. Si ces mères avaient reçu le soutien nécessaire pour leur permettre d’allaiter leurs enfants, elles se seraient senties plus compétentes, plutôt que découragées ou frustrées.
Marche à suivre
A. Suivi prénatal
1. Les professionnels de santé devraient encourager toutes les mères à allaiter, que l’enfant ait ou non un risque élevé d’hypotonie. Les encouragements peuvent faire une différence significative dans la décision maternelle d’allaiter ou non (15, 16 ; II-2, II-2).
2. Les antécédents maternels en matière d’allaitement devraient être renseignés dans le cadre du suivi prénatal, et les problèmes identifiés ; les facteurs de risque de problèmes d’allaitement devraient être communiqués aux professionnels de santé qui suivent l’enfant (17 ; III).
3. Si on découvre pendant la grossesse que l’enfant souffrira d’hypotonie, la mère devra être référée à un spécialiste de la médecine de l’allaitement et/ou à des consultant(e)s en lactation ayant de l’expérience en matière d’enfants hypotoniques.
B. Information
1. Toutes les mères devraient être informées sur les bénéfices de l’allaitement et du lait humain pour ellesmêmes et pour leurs enfants. Un pourcentage significatif d’enfants hypotoniques pourra être nourri au sein sans difficultés.
2. Tous les bébés devraient être étroitement suivis à la fois avant et après leur sortie de l’hôpital pour évaluation de leurs besoins supplémentaires.
C. Facilitation et évaluation de l’alimentation au sein en post-partum immédiat
1. La première mise au sein devrait être effectuée dès que le bébé est stable. Il n’y a aucune raison pour que cela ne puisse pas être fait rapidement, par exemple en salle de naissance si le bébé est physiologiquement stable. Un soutien supplémentaire et une supervision pourront être nécessaires.
2. Le portage kangourou (peau à peau) devrait être fortement encouragé. Comme pour tous les nourrissons, on devrait veiller, lorsqu’un bébé hypotonique est mis en peau à peau, à ce que la mère soit pleinement éveillée et à ce que le visage de l’enfant soit visible et que ses voies aériennes soient dégagées. Si le bébé ne se nourrit pas correctement, le toucher pourra être stimulant, de sorte que le bébé sera plus facile à réveiller pour les repas. Le contact peau à peau semble également aider à augmenter la production lactée maternelle (18, 19 ; II-2, II-2), et cela peut aider à la création du lien avec l’enfant, ce qui pourrait être particulièrement important pour ces familles.
3. Évaluer la capacité du bébé à prendre le sein, sa succion, et le transfert du lait. Cette évaluation devrait être pratiquée par une personne particulièrement entraînée en matière d’évaluation et de gestion de l’allaitement.
4. Pour ces mises au sein, on portera une attention particulière à un bon maintien de la tête et du corps du bébé, dans la mesure où ce dernier a besoin de dépenser son énergie pour téter, et pas pour maintenir une bonne position de son corps. Utiliser une écharpe ou des oreillers pour maintenir l’enfant dans une position fléchie, ce qui permettra à la mère d’utiliser ses mains pour soutenir à la fois son sein et la mâchoire de son bébé (position de la main de Dancer). Le contact peau à peau facilitera les mises au sein fréquentes.
5. La mère pourra trouver utile d’essayer la position de la main de Dancer (fig. 1) pour soutenir à la fois son sein et le menton et la mâchoire de son bébé pendant qu’il tète. La mère soutient le sein en coupe avec la paume de la main (soutenir son sein par-dessous) avec les 3 derniers doigts de la main courbés sous le sein pour le soutenir, en permettant simultanément au menton du bébé de reposer dans l’espace situé entre son pouce et son index (voir fig. 1). Le pouce et l’index peuvent être doucement appuyés contre le masséter, ce qui stabilise la mâchoire (20, 21 ; II-2, II-2). Par ailleurs, le fait de pousser la mâchoire vers l’avant peut permettre à l’enfant de mieux tenir le sein en bouche, et d’avoir une prise hermétique. L’autre main peut être utilisée pour soutenir le dos et les épaules du bébé.
6. D’autres stratégies peuvent aider l’enfant à prendre le sein et à obtenir le lait. Certaines mères facilitent le transfert du lait en utilisant la compression du sein pendant la tétée. Au lieu d’utiliser le pouce et l’index pour soutenir la mâchoire du bébé (position de Dancer), ces doigts sont maintenus près de l’aréole, pour exprimer le lait pendant que le bébé tète. Un fin bout de sein en silicone peut être utile si la mère a une production lactée abondante (> 500 ml/jour), et quelle apprend comment garder le réservoir plein en synchronisant la tétée avec la compression du sein, ou en utilisant un dispositif d’aide à l’allaitement dont le tube arrive à l’intérieur du bout de sein (22 ; II-3). En informant la mère sur les diverses techniques, aides et idées possibles, on l’encourage à expérimenter et à découvrir les pratiques qui conviendront le mieux aux besoins spécifiques de son bébé et à ses besoins.
7. La mère et la famille qui la soutient doivent être informées du fait qu’il pourra falloir davantage de temps pendant les premières semaines pour que le bébé prenne son repas. Elles doivent également être informées que, dans de nombreux cas, la capacité du bébé à se nourrir s’améliorera pendant les premières semaines ou mois.
8. Des professionnels entraînés doivent réévaluer le bébé fréquemment (au minimum toutes les 8 heures), car ces bébés doivent être considérés comme à haut risque de problème d’allaitement, de même que les bébés nés près du terme (voir le protocole #10 sur l’allaitement du bébé né légèrement prématurément – 23). Encourager des mises au sein fréquentes pendant la journée, dans la mesure où la capacité de succion peut être abaissée. Ces enfants devraient être mis au sein aussi souvent que possible, à savoir au moins 8 à 12
Fig 1 : position de la main de Dancer, vue par la mère. Illustration de Claudia Grosz, MFA. fois par 24 heures (5). Des périodes prolongées de contact peau à peau faciliteront les mises au sein fréquentes. Les évaluations devraient inclure le degré d’hydratation et d’ictère, en tant que complications possibles en cas d’apports insuffisants.
9. A partir du moment où il y a du lait de transition, des tests de pesée sur une balance digitale fiable peuvent être utiles pour évaluer l’adéquation du transfert de lait. Les bébés sont pesés immédiatement avant la tétée sur une balance électronique dont la précision est d’au moins ± 5 g, puis repesés immédiatement après la tétée avec exactement la même couche, les mêmes vêtements, couvertures… portés lors de la pesée précédente. Les apports pendant la tétée sont reflétés par la prise de poids : 1 g = 1 mL. Les enfants nés à terme avec une trisomie 21 prennent du poids plus lentement que les enfants normaux nés à terme (24 ; II-3), et cela doit être pris en compte pendant les premières semaines et les premiers mois. Des courbes de poids spécifiques aux enfants présentant une trisomie 21 ont été éditées en 2015, conçues pour refléter plus correctement la croissance normale de ces enfants.
10. Envisager des méthodes alternatives d’alimentation si le bébé est incapable de se nourrir au sein ou de maintenir une succion adéquate, comme l’utilisation d’une tasse (25 ; I), d’une cuillère ou d’une seringue. L’utilisation d’un dispositif d’aide à l’allaitement isolément (sans utiliser un bout de sein – voir point 6 plus haut) pourra ne pas être aussi efficace, dans la mesure où cette technique fonctionne mieux avec un bébé qui a une succion efficace, l’absence d’une telle succion étant souvent l’un des problèmes les plus importants pour les bébés hypotoniques.
11. Si une supplémentation est nécessaire, voir le protocole #3 de l’Academy of Breastfeeding Medicine (Recommandations pour le don de compléments en maternité chez le nouveau-né à terme et en bonne santé allaité – 26). Si le bébé
essaie de téter, tirer le lait après chaque tentative de mise au sein (voir ci-dessous), puis donner le lait exprimé au bébé à la tasse, à la cuillère ou avec un autre dispositif, ce qui permettra une stimulation des seins plus importante et la prise de davantage de lait par le bébé.
12. Parfois, certains de ces enfants peuvent avoir des problèmes de dysphagie et d’aspiration du bol alimentaire (quel que soit l’aliment). Il existe quelques données permettant de penser qu’une alimentation épaissie pourrait abaisser ce risque. Une communication étroite avec l’équipe gérant l’alimentation est cruciale pour la mère allaitante qui fournit le lait maternel utilisé avec le produit épaississant (27, 28 ; I, III)
D. Mesures préventives pour protéger la production lactée
1. Si le nourrisson est incapable de se nourrir correctement et totalement au sein, ou si la mère est séparée de son bébé (s’il est par exemple admis en service de néonatalogie), la lactation doit être débutée et/ou maintenue en tirant le lait manuellement ou avec un tire-lait. Les mères devraient être encouragées à exprimer leur lait rapidement après la naissance, idéalement dès la première heure (29 ; I), et environ toutes
les 3 heures par la suite. Des recommandations plus anciennes suggéraient de débuter dans les 6 premières heures suivant la naissance (30 ; II-3). Le but est de tirer le lait au moins huit fois par 24 heures, en imitant la stimulation par un bébé né à terme qui tète vigoureusement. Même si le bébé se montre capable de prendre le sein, de téter et de recevoir du lait, il sera avantageux pour la mère de tirer son lait pendant les premières semaines, afin de démarrer et de maintenir une production lactée la plus abondante possible. Une production lactée abondante favorisera un bon réflexe d’éjection lorsque ce nourrisson moins vigoureux tètera, et il aura moins d’efforts à faire pour se nourrir.
2. La plupart des recherches sur le démarrage et le maintien de la lactation par le biais de l’expression du lait ont été effectuées sur des mères de prématurés. Le facteur prédictif le plus important de la durée et de l’exclusivité de l’allaitement de ces prématurés est le volume de lait obtenu par la mère qui dépend d’un tire-lait, et l’existence d’une production lactée insuffisante est la cause la plus fréquente de l’arrêt des efforts des mères pour obtenir du lait pour ces bébés (30-32 ; II-3, II-3). Lorsque le bébé commence à améliorer son efficacité pour recevoir du lait, qu’il développe des rythmes de succion et qu’il montre des signes de faim, les moments d’expression du lait pourront être calés sur ces manifestations de faim (par exemple en tirant le lait après chaque tentative de mise au sein). Cette façon de procéder doit être poursuivie jusqu’à ce que l’enfant reste avec sa mère, et/ou qu’il soit capable de se nourrir efficacement au sein. Il est capital que la mère soit informée sur les moyens de tirer efficacement son lait, que ce soit en utilisant un tire-lait électrique automatique d’un modèle hospitalier si elle y a accès, ou manuellement. Combiner expression manuelle et expression avec un tire-lait peut augmenter à la fois le volume de lait obtenu (33 ; III) et son contenu calorique (34 ; I).
3. Si on extrapole au suivi du bébé hypotonique les recherches effectuées sur les prématurés, une production lactée de 500 ml/jour est couramment citée comme le volume minimum permettant aux bébés de < 1500 g de passer avec succès de l’alimentation par sonde ou au biberon à un allaitement exclusif (35 ; III). Jusqu’à ce que des études soient effectuées sur des bébés hypotoniques, on peut considérer que c’est le volume minimum à obtenir pour réduire la supplémentation, chiffre qu’on pourra ajuster sur la base de calculs sur les apports nécessaires pour la croissance.
4. Lorsqu’un tire-lait électrique est utilisé, tirer le lait des deux seins en même temps à l’aide d’un tire-lait électrique automatique d’un modèle hospitalier est plus efficace que tirer le lait un sein après l’autre. Une expression manuelle pendant l’expression du lait avec un tire-lait améliore l’efficacité de l’expression et augmente la production de mères dépendantes du tire-lait. Contrairement à la pratique habituelle d’expression passive où la mère dépend du tire-lait pour exprimer le lait des seins, les techniques manuelles (massages, expression manuelle, compression du sein), utilisées en conjonction avec le tire-lait, permettent aux mères d’augmenter le degré de vidange des seins en utilisant leurs mains pour comprimer le sein, pour des massages et pour l’expression (35, 36, 37 ; II-2, I).
5. Les mères devraient envisager de tenir un journal d’expression/alimentation, qui leur permettra, ainsi qu’aux professionnels de santé, de suivre la production lactée maternelle et d’intervenir en cas de problème au niveau du volume de lait obtenu (38 ; III).
E. À la sortie de maternité et pendant la période néonatale
1. Si le bébé doit rester hospitalisé, la production maternelle doit être évaluée quotidiennement. Cette évaluation inclura le temps passé au sein par l’enfant, la fréquence des séances d’expression, la quantité de lait obtenue sur 24 heures, et tous signes d’inconfort au niveau des seins. Suivre soigneusement la prise de poids de l’enfant, et envisager une supplémentation si nécessaire.
2. Suivre la durée des tétées (par exemple limiter cette durée à 1 heure) pour s’assurer que l’enfant n’est pas trop fatigué par les tétées.
3. Informer la mère que l’efficacité de la succion continue à augmenter tout le long de la première année, et que l’expérience d’allaitement peut « se normaliser » et ne plus nécessiter toutes les interventions nécessaires au départ pour son enfant, comme par exemple la supplémentation, l’expression du lait, la tenue d’un journal d’alimentation et autres interventions.
4. Si l’allaitement ne continue pas à s’améliorer, évaluer l’enfant à la recherche d’autres causes de problèmes d’allaitement (ankyloglossie par exemple).
5. Donner des informations sur les groupes locaux de soutien à l’allaitement, et dédiés aux familles dont l’enfant présente un handicap spécifique tel que la trisomie 21. Le soutien et les encouragements sont particulièrement importants pour ces mères et leurs familles, dans la mesure où allaiter ces enfants peut nécessiter plus de temps et de patience.
6. Si la production lactée maternelle n’est pas égale ou supérieure aux besoins de l’enfant, ou si elle commence à baisser en dépit d’un planning d’expression optimal, on pourra envisager l’utilisation d’un galactogène pour augmenter la production. Voir le protocole #9 de l’Academy of Breastfeeding Medicine (Utilisation des galactogènes pour l’induction ou l’augmentation de la sécrétion lactée – 39 ; III). La supplémentation avec du lait humain pasteurisé provenant de donneuses est une option si la supplémentation devient nécessaire et si du lait humain provenant de donneuses est disponible (26).
Futures recherches
Ce protocole a été développé par l’Academy of Breastfeeding Medicine pour constituer une aide clinique fondée sur l’expertise de praticiens qui ont une vaste expérience en matière d’enfants souffrant d’hypotonie. Il représente l’un des rares documents abordant l’allaitement et les enfants ayant des besoins spéciaux. Bien que des pratiques d’allaitement scientifiquement fondées soient particulièrement nécessaires pour cette population spécifique, il existe peu de données scientifiques sur lesquelles fonder ces recommandations. Quelques études récentes ont été prises en compte pour la révision de ce protocole, et nous continuons à extrapoler les meilleures pratiques à partir des données recueillies sur d’autres groupes de patients vulnérables. Les domaines spécifiques dans lesquels d’autres recherches seraient recommandées incluent :
1. Les pratiques optimales pour l’allaitement des enfants ayant des besoins spéciaux sont rares, et elles constituent une priorité. Ces mères et leurs enfants ont beaucoup à gagner dans la réussite de l’allaitement, et nous avons besoin de meilleures informations sur les moyen de soutenir les familles dans leurs efforts.
2. Les méthodes pour optimiser la succion et le transfert du lait chez l’enfant hypotonique nécessitent d’autres études.
3. L’utilisation d’une sucette chez les prématurés comme « entraînement » à l’alimentation orale pendant les repas donnés par sonde est une aide pour la transition vers le sein, et elle mérite d’être évaluée chez les nourrissons hypotoniques (40).
4. Le recueil de données comparant la croissance normale chez des enfants hypotoniques, en particulier ceux présentant une trisomie 21, ou suivant qu’ils sont allaités ou nourris avec une formule lactée commerciale serait utile.
5. L’évaluation des différentes méthodes disponibles pour supplémenter les bébés hypotoniques (tasse, biberon, cuillère), pour en déterminer l’efficacité, et laquelle est préférable.
6. Les facteurs modifiables qui peuvent aggraver ou améliorer les difficultés d’allaitement chez ces enfants en particulier, comme par exemple la position de l’enfant au sein, l’analgésie/anesthésie pendant l’accouchement, le contact peau à peau, le don d’informations en période prénatale, afin de savoir ce qui aggrave ou limite le risque de difficultés d’allaitement chez ces enfants, afin de pouvoir mettre en œuvre de meilleurs standards de pratiques.
7. Des recherches sur les risques liés à l’aspiration pendant l’allaitement, en les comparant à ceux liés à la prise de lait maternel au biberon (épaissi ou non) ou d’une formule lactée commerciale chez ces enfants devraient être menées, dans la mesure où c’est un problème courant chez les enfants hypotoniques, et qu’il peut induire un sevrage prématuré et potentiellement évitable.
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Les protocoles de l’ABM expirent cinq ans après leur date de publication. Des révisions fondées sur des données scientifiques sont faites au bout de cinq ans, ou plus rapidement s’il y a des modifications significatives des connaissances.
Comité pour les protocoles
Wendy Brodribb, MBBS, PhD, FABM, Chairperson
Larry Noble, MD, FABM, Translations Chairperson
Nancy Brent, MD
Maya Bunik, MD, MSPH, FABM
Cadey Harrel, MD
Ruth A. Lawrence, MD, FABM
Kathleen A. Marinelli, MD, FABM
Kate Naylor, MBBS, FRACGP
Sarah Reece-Stremtan, MD
Casey Rosen-Carole, MD, MPH
Tomoko Seo, MD, FABM
Rose St. Fleur, MD
Michal Young, MD
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CONSULTER
Thématiques :
Prématurité et autres besoins particuliers
Mots-clés :
Bébé hypotonique Hypotonie